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Pour les vaches laitières bio, quel est l'intérêt d’une complémentation azotée en ration hivernale?

Actualité31/10/2023Agriculture Biologique, NutritionBovins lait

Dans les élevages Normands en Agriculture Biologique, la recherche d’autonomie amène parfois les éleveurs à apporter des rations limitantes en protéines. Compte tenu de la conjoncture du prix des concentrés et de la valorisation du lait serait-il intéressant techniquement et économiquement d’apporter une complémentation azotée ? Un essai réalisé dans le cadre du projet Reine Mathilde a été mené dans 3 fermes. L’effet mesuré dans les trois troupeaux à l’apport d’un kilo de graine de soja Normand laminée éclaire sur les conditions d’intérêt de cette complémentation.

En Normandie, les pratiques d’élevages sont très diversifiées. Une partie des exploitations sous label Agriculture Biologique ont adopté une logique d’autonomie alimentaire, que cela soit dû aux obligations du cahier des charges quant au lien au sol des élevages (en vache laitière bio, 70 % des aliments doivent être produits sur l’exploitation), ou bien dans une optique de réduction des charges par la réduction des achats d’aliments.
Les rations développées par les éleveurs Bio Normands sont souvent à base de fourrages issus de prairies naturelles ou temporaires, d’une part modérée de maïs ensilages complétés de céréales ou de méteils grains. Ces rations peuvent paraitre, sur le papier, déficitaires en protéines, voire en énergie. Suite à ce constat, le Programme Reine Mathilde a décidé d’étudier cette thématique, notamment via un essai sur les effets de l’incorporation d’un complément azoté dans la ration hivernale.

Un essai dans 3 fermes laitière bio Normandes

L’essai a été mené sur 3 exploitations pendant une durée de 9 semaines. 3 périodes de 3 semaines se sont succédé : une période témoin avec la distribution de la ration « classique », une période de complémentation avec la distribution de la ration complémentée en correcteur azoté, et une dernière période de retour à la ration témoin. La complémentation azotée a consisté en l’ajout de 1kg de graines de soja laminé cultivé en Normandie. La durée de 3 semaines de chaque période permet de laisser le temps au rumen de s’adapter à chaque ration et ainsi de stabiliser les performances.
A la fin de chacune de ces 3 périodes, un contrôle de performance a permis de mesurer la quantité de lait produite, le taux protéique (TP) et le taux butyreux (TB) du lait. Une enquête préalable à l’essai ainsi que 3 visites, une à la fin de chaque période, ont permis de relever la ration distribuée, les notes d’état corporel (NEC) et les évènements liés à la mise en place de l’essai.
Pour l’étude des performances de production laitière, nous n’avons retenu que les vaches présentes sur la totalité de l’essai. De plus, elles devaient avoir 28 jours de lactation au premier contrôle de performance. Le pic de lactation ainsi passé, on se retrouve en phase descendante de production laitière. Ceci nous a permis de considérer que l’évolution de la performance était linéaire entre les deux périodes témoin sur la période étudiée. L’effet de la complémentation azotée est alors approché par différence entre la performance mesurée à la fin de la période de complémentation et celle estimée par linéarité entre les deux périodes témoin.
Les 3 fermes supports de cet essai ont des caractéristiques un peu différentes quant à la composition de leurs troupeaux et la nature des rations hivernales distribuées. Ceci permet d’apprécier s’il y a une variabilité des réponses en fonction de la nature de la ration initiale.

 

 

 

Une amélioration des performances dans les 3 troupeaux

Bien que l’objectif fixé était de distribuer 1 kg par vache et par jour de graine de soja laminée pendant la période de l’essai, le bilan des consommations réalisé à la fin de la période met en évidence que les distributions réelles ont été un peu différentes. La distribution s’est révélée en fait variant de 0,6 à 1,1 kg/VL et par jour pour une moyenne de 0,8 kg/VL/j.
Les effets sur la production de l’apport de concentré dans les 3 fermes sont convergents. On constate une amélioration de la production laitière et du TB et une légère baisse du TP et de la note d’état corporelle. Cette réponse est conforme à l’effet attendu d’une complémentation azotée dans une ration limitante en protéine.

 

L’effet mesuré dans les trois troupeaux peut permettre de projeter l’intérêt de cette complémentation azotée en fonction des variations du prix du lait et du prix des concentrés. Un exemple a été étudié pour une exploitation de 65 vaches à qui on distribuerait la ration complémentée pendant 120 jours (Tableau 3). L’intérêt de la complémentation azotée doit donc s’analyser en fonction de la conjoncture des prix des correcteurs azotés mais aussi de la valorisation du lait de l’exploitation.
Bien que les rations de bases soient différentes, la complémentation azotée s’est révélée efficace sur la production dans les 3 fermes de l’essai. L’application de ces résultats dans d’autres fermes doit tenir compte de la conjoncture du prix d’achat du correcteur azoté et de la valorisation du lait.
 
Etienne DOLIGEZ - Directeur Technique Adjoint
avec la collaboration de Camille OLINET (CIVAM), Camille LECUYER (CRAN) et Simon GODARD (BEN)

 

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