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Effluents bruts et méthanisés : quelles différences pour les sols et les cultures ?

Actualité05/10/2023Agriculture Biologique, FourragesBovins lait, Bovins viande

La méthanisation à la ferme présente certains avantages indéniables (production d’énergie, revenue complémentaire, réduction des volumes d’effluent…). Cependant il peut être nécessaire de repenser le système afin que la production d’énergie ne se fasse pas au détriment du sol et donc, à plus ou moins long terme, au potentiel de production de l’exploitation.

Lors du processus de méthanisation la matière organique est dégradée en condition anaérobie pour produire du méthane (CH4). Il y a donc une réduction de la quantité de carbone entre l’effluent qui rentre dans le méthaniseur et le digestat qui en sort (la différence étant le gaz produit). L’effluent brut va restituer 30% du carbone de la biomasse consommée par les bovins, après méthanisation le carbone restitué au sol ne sera plus que de 16% en moyenne1. D’un point de vue purement quantitatif le fait d’apporter le digestat à la place de l’effluent brut réduit la quantité de matière organique restitué au sol.

 

Regardons à présent de plus près la nature de la matière organique transformée lors de la méthanisation. Selon sa dégradabilité, la matière organique peut être classée en deux catégories :

 La matière organique dite libre ou labile correspond à la fraction qui peut être dégradée facilement par les organismes du sol. C’est la source d’énergie de l’ensemble des organismes du sol.

 La matière organique dite liée ou stable correspond quant à elle à la fraction qui va rentrer dans le processus d’humification. Elle contribue à l’amélioration de la structure du sol et à la rétention en eau.

 

Comme cela est représenté sur le schéma ci-dessus, lors de la méthanisation, c’est la partie labile de la matière organique qui est digérée pour produire du gaz. Il y a deux conséquences à cela :

 Premièrement, la matière organique stable n’étant pas ou peu digérée, la part de carbone stable ramenée au sol sera donc similaire entre les apports de digestat ou des effluents bruts (entre 12% et 14 % du carbone produit par la biomasse initiale1). La méthanisation ne bouleverse donc pas le bilan humique de l’exploitation. Les pratiques culturales (production de couvert, export des pailles…) ont plus d’impact sur le bilan humique que le méthanisation2.

Deuxièmement, la matière organique labile étant presque intégralement dégradée lors de la méthanisation, l’apport de digestats restitue peu d’énergie à la faune du sol. On observe alors une moindre activité biologique des sols avec l’apport de digestat comparativement à l’apport des effluents bruts. Hors de cette activité biologique dépendent de nombreux phénomènes primordiaux pour la croissance des végétaux (minéralisation de l’azote, mycorhization, contrôle des bioagresseurs telluriques, activité des vers de terre…).

Concernant les propriétés fertilisantes, les quantités de phosphore, potasse et azote sont conservées lors du passage de l’effluent au méthaniseur. Pour l’azote, bien que la quantité totale soit identique, la méthanisation augmente la proportion d’azote minéral. L’azote contenu dans le digestat sera donc plus disponible pour les plantes. En contrepartie les risques de pertes par lessivage et volatilisation sont plus grands. Une attention particulière doit alors être portée sur les conditions d’épandage afin de limiter au maximum ces pertes. Privilégiez les apports au plus près de la période d’absorption de la culture par temps nuageux et frais.

En synthèse, la méthanisation ouvre des perspectives intéressantes pour l'agriculture, mais elle requiert une réflexion approfondie sur son incidence sur la fertilité des sols au sein d'une approche globale axée sur la durabilité agricole. Il est impératif de garantir une diversification des sources d'apport de matière organique au sol, que ce soit par le biais d'effluents bruts ou de matière végétale fraîche. En fin de compte, que ce soit pour une vache, un méthaniseur ou un sol, l'équilibre nutritionnel demeure fondamental pour soutenir leur bonne santé et leur performance. Pour intégrer efficacement la méthanisation dans une stratégie agricole durable, une gestion minutieuse et une adaptation aux spécificités de chaque exploitation s'imposent.

1 : Thomsen I.K., Jøreng E.O., Møller H.B. et al., Carbon dynamics and retention in soil after anaerobic digestion of dairy cattle feed and faeces, Soil Biology & Biochemistry 58 (2013).
2 : Bodilis A.-M., Trochard R., Lechat G. et al., Impact de l’introduction d’unités de méthanisation à la ferme sur le bilan humique des sols. Analyse sur 10 exploitations agricoles de la région Pays de la Loire, Revue Fourrages (2015) 223, 233-239 239 éditée par l'AFPF (Association Française pour la Production Fourragère).

 

Alexis Villeneuve
Conseiller référent cultures

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