Mot de passe oublié

Réussir sa mise à l’herbe : une transition alimentaire s’impose

Actualité21/03/2024Agriculture Biologique, Fourrages, PrairiesBovins lait, Bovins viande

Maintien de fourrages à l’auge = sécurité

Ce printemps, malgré des stocks d’herbe sur pied souvent conséquents dans les élevages disposant d’une surface accessible importante, le passage brutal vers une alimentation à base de pâturage exclusif perturbe énormément la flore ruminale des vaches laitières. Les risques encourus sont bien connus : transit fortement accéléré accompagné de pertes d’état corporel et de risques de non-fertilité, voire de mortalités embryonnaires. 

Lait’AG : un outil d’aide au pilotage des transitions alimentaires

L’analyse lait’AG permet de visualiser le comportement des animaux via l’évolution de la composition fine des acides gras du lait à l’occasion de chaque contrôle de performances. Elle prend tout son intérêt aux périodes clés telles que les transitions alimentaires, et notamment la mise à l’herbe. Tous les troupeaux soumis au contrôle de performance sur la zone Seenergi disposent désormais de ces indicateurs. N’hésitez donc pas à échanger avec votre conseiller(ère) pour analyser et valoriser vos résultats acides gras du lait.
 
 
 
Voici l’exemple du troupeau de Vincent, qui est confronté à un manque de stocks conservés, et qui a été contraint de faire une mise à l’herbe brutale et rapide en ne gardant que 1 à 2 kg MS maximum d’enrubannage à l’auge.

 

Le graphique suivant illustre la mobilisation des réserves corporelles à travers la mesure de l’acide oléique (C18 :1 cis 9), qui en est un très bon indicateur. Cet acide gras, en augmentation dans le lait sur le contrôle de performance du 19 mars dernier, traduit la perte d’état liée à une quasi-absence de transition. La part d’acides gras issus de la lipo-mobilisation dépasse ainsi le seuil de 20 %, considéré comme étant critique. 
 
Dans le même temps, la valorisation des fourrages (ici de l’herbe pâturée) tend à se dégrader légèrement, du fait de l’absence d’accompagnement au changement de ration. Le niveau des acides gras impairs est inversement lié à la qualité de la digestion de ces fourrages.Nous voyons sur le graphique suivant que la proportion d’acides gras impairs augmente :

 

 

La transition brutale, ainsi que le caractère très fermentescible de l’herbe jeune, font monter cette part d’acides gras impairs, signant une ration trop fermentescible avec une fraction de NDF trop faible. 
Le maintien d’un repas avec un fourrage suffisamment riche en NDF (cellulose digestible), ainsi que la montée en puissance plus progressive du pâturage auraient permis d’atténuer le phénomène.

Quelles solutions correctives adopter ?

Afin de minimiser les effets délétères liés à la mise à l’herbe, on peut lister les précautions suivantes :
        >> Faire une sortie progressive des animaux, en passant de quelques heures l’après-midi dans les premiers jours à un pâturage à la journée pendant au moins une dizaine de jours. N’envisager le pâturage jour et nuit qu’à l’issue de 3 semaines dans l’idéal.
        >> Maintenir un fond d’auge suffisant, en évitant les fourrages trop fermentescibles type betteraves ou ensilages d’herbe très jeunes, et en privilégiant les fourrages aptes à créer du lest et ralentir le transit. 
       >> Même s’il est conseillé de distribuer un fourrage fibreux à l’auge, il est fréquent de rencontrer des problèmes de consommation de ce dernier. Pour pallier cet écueil, certains éleveurs font couper du foin en brins courts (prestation par ETA), pour le distribuer en mélange à un ensilage ou en pur. Cette présentation stimule la consommation de fibres, limite les phénomènes de tri et permet surtout de la mélanger à un fourrage plus appétent.
       >> Eviter de distribuer des concentrés trop fermentescibles du type céréales ou méteils grains à base de protéagineux. Si achat de concentré énergétique, préférer la forme amidon lentement dégradable (maïs grain). En cas de maintien de distribution de méteils / céréales, fractionner leur distribution et mélanger aux fourrages grossiers afin d’atténuer les déviations fermentaires du rumen.
Même si l’offre en herbe est conséquente sur ce début de printemps 2024, un management « sécure » du troupeau doit néanmoins prévaloir.
En cas de stocks d’herbe sur pied trop importants et de stocks conservés encore disponibles, il sera plus bénéfique au troupeau de faire une transition en douceur, tant sur le point santé que valorisation des fourrages. La récolte d’une partie du circuit de pâturage la plus avancée sera d’autant plus pertinente qu’elle aura lieu rapidement afin de retrouver ces surfaces le plus vite possible.

 

Pascal BISSON

Conseiller Agriculture Biologique

pascal.bisson@littoral-normand.fr  

   06 85 65 31 45

Contactez l'auteur

Certifications :