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Mon trèfle blanc disparait ! Dois-je m’inquiéter ?

Actualité22/03/2024Agriculture Biologique, Fourrages, PrairiesBovins lait, Bovins viande

Les éleveurs observent très souvent des fluctuations dans la présence de trèfle blanc de leurs prairies. Mais ce phénomène est normal, et la fluctuation périodique du trèfle est même signe d’un bon fonctionnement des prairies (1).

 

 

André POCHON n’a pas arrêté de nous le dire : le trèfle blanc est le moteur des prairies. En Agriculture Biologique cela est encore plus vrai. C’est grâce à la présence des légumineuses et à leur capacité de fixation de l’azote que cet élément, très souvent limitant à la production en AB, est introduit dans le système. Des études ont montré que, au niveau mondial, le trèfle blanc est capable d’apporter au sol 340 kg d’azote par hectare et par an, et assure environ la moitié des besoins azote des graminées prairiales. Le trèfle blanc est donc une véritable alternative à la fertilisation azotée minérale.

 

 
Mais ce qui n’est pas rassurant, c’est que l’abondance de trèfle blanc dans la prairie semble régie par des règles incompréhensibles et impossibles à maîtriser. Beaucoup de chercheurs se sont penchés sur le sujet. Un certain nombre d’entre eux ont souhaité trouver le « bon ratio » de trèfle, mais personne n’y est parvenu. Mais est-ce que la stabilité du trèfle et de productivité de la prairie est un objectif en soi ? Nous vous présentons les résultats de plusieurs études qui semblent montrer le contraire.
 

Pourquoi l’abondance de trèfle change ?

Il y a deux raisons principales pour expliquer la variation d’abondance de trèfle dans les prairies.
Facteurs internes
La raison principale des fluctuations de proportion de légumineuses et graminées dans les prairies est la différente réponse de croissance face à la disponibilité d’azote. Les graminées ont besoin d’azote minéral sans quoi leur croissance est faible. Au contraire les légumineuses poussent bien dans cette situation de faible disponibilité d’azote grâce à la fixation. Mais la fixation coute beaucoup d’énergie à la plante. On a calculé qu’un trèfle qui dépend uniquement de la fixation produit 40 % moins qu’un trèfle en azote non limitant. De plus, même en présence d’azote minéral, la fixation ne s’arrête pas et elle continue à fournir au moins 15% de l’azote absorbé par la plante. Donc l’azote coûte toujours plus cher aux trèfles qu’aux autres espèces.
La conséquence de cette réponse différente est que si le sol était constamment bien pourvu en azote, il n’y aurait pas de légumineuses. Au contraire, s’il y en avait pas du tout, il n’y aurait pas de graminées. La coexistence des deux familles est garantie par la fluctuation des niveaux d’azote dans le sol. On peut donc dire que l’azote influence les plantes mais aussi que les plantes influencent l’azote.
Lorsque le trèfle est abondant, le sol s’enrichit en azote grâce aux débris des feuilles et aux racines mortes. Par conséquence, les autres espèces retrouvent des conditions idéales de croissance et deviennent dominantes, épuisant l’azote minérale disponible, en créant ainsi les conditions du retour du trèfle. Cet équilibre dynamique est bien représenté par le graphique suivant.
Le graphique nous montre bien que la proportion de trèfle varie cycliquement, ainsi que la productivité de la prairie, et qu’il y a un certain délai entre l’explosion du trèfle et la productivité. Cet équilibre dynamique, non seulement régule la proportion de légumineuses et graminées dans la prairie, mais maintient aussi la quantité d’azote minérale dans le sol entre des limites assez étroites, sécurisées d’un point de vue environnemental. 
Facteurs extérieurs
Les études ont montré que les pissats n’influencent que faiblement cette dynamique entre légumineuses et graminées : en effet, avec un chargement moyen, un point précis de la prairie reçoit de l’azote urinaire une fois tous les 300 jours. De plus, la majorité de cet azote est rapidement perdu par évaporation ou lessivage, et les niveaux d’azote ne restent élevés sur cette zone que pendant environ 1 à 2 mois.
Les facteurs extérieurs les plus importants sont liés aux climats : le gel en hiver, qui provoque la mort d’une partie plus ou moins importante des stolons, et la sécheresse l’été. La quantité de trèfle présente dans la prairie ne varie donc pas qu’entre année mais aussi au cours de l’année. Les niveaux de présence les plus faibles sont observés en sortie d’hiver, avant le rétablissement des nouveaux stolons. Mais la proportion de trèfle au moment de l’année le plus favorable dépend du niveau de pertes de trèfle pendant l’hiver.
 

Conclusions

La proportion de trèfle dans la prairie varie suivant un cycle régulier d’environ 3-4 ans, est lié aux dynamiques de l’azote. Ce cycle peut être cependant perturbé par des phénomènes climatiques extrêmes.
De façon paradoxale, l’élément qui limite davantage la proportion de trèfle dans les prairies non fertilisées avec de l’azote minérale comme c’est le cas en bio, c’est précisément sa capacité à améliorer les conditions de développement des autres espèces. Il y a une forte corrélation entre quantité de trèfle et productivité des prairies mais le pic de productivité est décalé d’un an.
Et pour terminer les résultats des études montrent que la variation périodique de la quantité de trèfle et du rendement de la prairie sont plutôt signe d’un bon fonctionnement de la prairie, et du fait qu’elle profite pleinement des bénéfices de la fixation d’azote.
Attention ! Tout ce raisonnement tourne autour de l’azote. Il ne faut pas oublier que pour une bonne production d’herbe et de trèfle en particulier, il est important d’apporter du phosphore et de la potasse ! Certains effluents d’élevage, et notamment les fumiers pailleux ou compostés, sont très intéressants pour la fertilisation des prairies puisqu’ils apportent des bonnes quantités de P et de K très rapidement disponibles, sans pour autant déséquilibrer l’évolution dynamique des espèces puisqu’ils n’apportent pas beaucoup d’azote minéral.
 

 

Maddalena MORETTI

Conseillère Référente Agriculture Bio Littoral Normand

maddalena.moretti@littoral-normand.fr

06 64 23 84 16

(1) Les données présentées sont issues de l’article de Schwinning et Parsons « Interactions between grasses and legumes : understanding variability in species composition » conference paper 1996.

 

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