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Pâturage hivernal des vaches laitières, pourquoi pas ?

Témoignage02/11/2023Agriculture Biologique, Fourrages, PrairiesBovins lait, Bovins viande

Le décalage des périodes de pousse de l’herbe, la nécessité de baisser les GES, le consommateur de plus en plus attentif au Bien Être Animal, les vaches qui sont toujours des bovins identiques aux aurochs préhistoriques dans leur fonctionnement physiologique, le contexte économique qui pousse à faire des économies là où c’est possible : tous ces points et d’autres encore, peuvent conduire à se poser cette question.

Dans cet article, inspiré par la présentation faite par l’Idele au SPACE de cette année et basée sur des essais menés dans des fermes expérimentales du Grand Ouest, nous allons mettre en évidence les points de vigilance pour réussir cette pratique et valoriser ses atouts

C’est quoi le pâturage hivernal ?

Il consiste à faire sortir les vaches sur les parcelles en herbe en plein hiver, quelles que soient les conditions climatiques pendant un laps de temps plus ou moins long.

Pourquoi ?

En réponse aux constats cités précédemment, l’herbe pâturée est le fourrage le moins cher à disposition sur l’exploitation et il permet de valoriser une complémentation plus locale comme les céréales éventuellement produites sur l’exploitation.

Phases clés pour la réussite

     >>>> Disposer d’un stock d’herbe à faire pâturer. Pour cela, il faut :

  • Constituer le stock d’herbe sur pied à l’automne en évitant de faucher et en faisant un apport d’effluent type lisier sur les parcelles d’où les vaches sortent. Le lisier sera en effet bien valorisé sur cette période ;
  • Avoir une surface suffisante pour éviter le piétinement et les animaux sales. La surface préconisée est de 50 ares minimums par vache ;
  • Organiser son pâturage selon ses préférences : peu importe qu’il soit libre ou tournant. Le chargement sera de 1 UGB/ha en instantané si libre et jusqu’à 50 UGB/ha en tournant (essai Trévarez hiver 2022).
  • Si la conduite a été d’une journée par paddock sur le printemps et l’été, il est préférable de passer à un temps de présence de 3 jours avec réduction du temps de présence journalier. Ce temps de présence doit être adapté aux conditions climatiques, notamment la pluie. Si, au niveau organisation du travail il n’y a pas de problème et que les accès sont bons, le temps de présence peut varier de 2h à 4-5 h. Une vache peut ingérer en un temps court la moitié de sa ration quotidienne. Disposer d’un aménagement parcellaire adapté. Les conditions précédentes sont nécessaires mais pas suffisantes, si les conditions d’accès aux parcelles ne sont pas parfaites :

     >>>> Disposer de chemins stables et sans zones humides, ou blessantes au niveau des pattes à cause des cailloux. Il est donc nécessaire de faire le point sur la qualité des chemins et les remanier si besoin.

  • Avoir de préférence une entrée et une sortie différentes pour chaque parcelle.
  • Eviter les parcelles humides.
  • Eviter les jeunes parcelles et préférer les prairies permanentes, beaucoup plus résilientes au piétinement.

L’herbe a-t-elle une bonne valeur alimentaire en hiver ?

Les analyses faites sur 3 sites expérimentaux mettent en évidence une valeur non négligeable principalement sur la MAT, mais aussi les UF.

Le graphique suivant montre que sur ces 3 mêmes sites la croissance tombe quasiment à 0 en décembre. Il faut donc disposer du stock nécessaire pour faire face aux besoins à cette période et éviter le piétinement. Cette croissance reprend selon les sites dès février ou mars en fonction de la zone et du climat.

Quels sont les résultats ?

Les résultats obtenus sur cette première année d’expérimentation en conduite BIO sont encourageants mais demandent à être confirmés.

Le lait produit en plus s’explique peut-être par une meilleure couverture des besoins comparativement à une ration auge totale.  Le fait que les animaux sortent permet aussi d’avoir des animaux mieux portants avec possibilité de se coucher plus naturellement. Cette pratique est très intéressante pour les génisses. Les croissances sur les 3 sites expérimentaux répondent aux objectifs recherchés : entre 800 et 900g de GMQ sans apports de fourrages ou concentrés. De plus, les génisses étant plus légères, leur pâturage comporte moins de risques pour les parcelles.

L’impact sur la pousse de l’herbe au printemps est d’un retard d’un jour par semaine de pâturage au-delà du 1er novembre. Selon les résultats 2023 et sur les 3 sites ce retard de démarrage est rattrapé sur le reste de la saison de pâturage. Il est aussi important de souligner que la mise en place des règles exposées plus haut ont assuré dans ces essais l’absence d’effets délétères sur la qualité de la prairie.

En conclusion

Le pâturage hivernal des vaches laitières peut être une réponse intéressante pour répondre à toutes les problématiques annoncées au début de cet article. Les impacts techniques et économiques sont favorables si les points de vigilance listés sont respectés.

De plus cette pratique permettrait de répondre aux exigences sociétales actuelles dès lors que les animaux ne sont pas mis dans des conditions difficiles avec des zones boueuses notamment. Rappelons que les cultures, ainsi que les prairies temporaires, déstockent le CO2. Au contraire,maintenir des prairies permanentes et les valoriser, c’est permettre le stockage d’une tonne de CO2/ha/ancompensant largement les rejets des vaches, tant décriés par la société.

 

Jean-François THOBY

Conseiller spécialisé AB et relais CAP2R

jeanfrancois.thoby@littoral-normand.fr

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