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Début de la saison de pâturage : attention à l’accélération à contre-courant

Actualité01/04/2023Agriculture Biologique, PrairiesBovins lait, Bovins viande

Après un été 2022 qui a vu la pousse de l’herbe totalement stoppée, l’automne a permis de bénéficier d’une production d’herbe conséquente que les éleveurs ont pu valoriser jusqu’à mi-décembre pour bon nombre d’entre eux. Les conditions portantes de ce début d’année 2023 ont incité les herbagers à sortir leurs troupeaux dès fin janvier / début février. Le tour de déprimage des paddocks s’est alors déroulé dans de bonnes conditions, avec un mois de février exceptionnellement sec (moins de 5 mm dans le grand ouest en moyenne, 4ème position des mois de février les plus secs en France depuis 1959) et plutôt froid.

Le constat de cette fin du mois de mars est sans équivoque : beaucoup d’élevages ayant terminé la première exploitation de leurs prairies sont aujourd’hui contraints de revenir sur des parcelles qui n’ont pas accumulé suffisamment de biomasse pour faire face aux besoins des animaux. On assiste à un décalage trop important entre la pousse journalière et le besoin des troupeaux. On parle alors d’accélération à contre-courant : au lieu d’avoir une dynamique de pousse de l’herbe qui couvre la consommation des animaux tout en assurant une augmentation du stock d’herbe disponible, c’est l’inverse qui s’opère avec un retour des vaches laitières trop rapide sur des parcelles qui n’ont pas accumulé suffisamment de biomasse. Si l’on ne veut pas compromettre une partie de sa saison de pâturage, il faut absolument redresser le tir en adaptant ses pratiques dans les plus brefs délais.

Quand sait-on que l’on pâture à contre-courant ? Quelques repères...

1. Bien repérer le stade 3 feuilles du RGA 

Une talle de ray-grass anglais est toujours composée de 3 feuilles. Quand la quatrième feuille apparaît, la première entre en sénescence. Ce stade est le garant d’un rendement optimisé, mais surtout d’une bonne reconstitution des réserves dans la gaine et les racines. Ne pas respecter ce repère favorise la disparition des bonnes graminées au profit des indésirables, tel l’agrostis stolonifère.

Faire entrer son troupeau dans des parcelles ayant accumulé les 3 feuilles du RGA permet de se prémunir de l’accélération à contre-courant.

2. Ne pas se priver de la "flambée de croissance de ses prairies"

Tout végétal se comporte comme un capteur solaire : plus la surface de capteur augmente, plus le rendement de la biomasse produite est exponentiel. Revenir exploiter trop rapidement le couvert nous prive de la flambée de croissance de fin de cycle.

3. Mesurer le Stock d’herbe Disponible (SHD) aux périodes clé

Tout comme le cubage des silos permet d’appréhender le stock dont dispose l’éleveur pour passer l’hiver, le SHD, issu des mesures herbomètre, représente le stock d’herbe sur pied dont dispose l’éleveur sur ses prairies à un instant T. Plus la pousse de l’herbe est intense, moins le besoin en SHD est important.  Le graphique suivant illustre le besoin en stock instantané en fonction de la saison.

Quand le besoin en SHD au 15 mars est de 220 à 320 kg de MS/VL, il sera de seulement 100 à 150 kg début mai, période de pleine pousse de l’herbe.

L’illustration, avec deux fermes auditées à quelques jours d’intervalle, démontre l’intérêt de se positionner afin de prendre les bonnes décisions avec réactivité.

Exploitation 1 :  dispose d’un SHD de 120 kg au 20 mars, est engagée dans le cercle vicieux de l’accélération à contretemps. Le troupeau pâture depuis 10 jours des paddocks en second passage à la suite du déprimage. Les vaches entrent à 5 / 6 cm sur des talles qui n’ont pas fait leurs 3 feuilles. Il faut absolument garder une part conséquente de fourrage à l’auge pour laisser les paddocks reconstituer leur biomasse.

Exploitation 2 : dispose d’un SHD confortable de 230 kg MS/VL. Il a été décidé de sortir le troupeau jour et nuit dès le 28 mars, tout en conservant 6 kg de MS fourrage à l’auge. La projection à 10 jours montre un maintien du SHD.

Conclusion

Certains éleveurs ont su bénéficier des belles journées de février pour réaliser un déprimage de qualité. Le revers, avec une pousse de mars un peu poussive, est que les troupeaux entament le deuxième tour de pâturage sur des parcelles qui n’ont pas refait leur stock. Chaque exploitation étant différente, il est temps de sortir les herbomètres et/ou faire des tours de parcelles pour corriger des pratiques dangereuses pour l’avenir. Quand les stocks conservés le permettent, il faut continuer à distribuer du fourrage à l’auge pour ralentir la progression dans les pâtures surexploitées. Pour les élevages où les stocks sont tendus, l’achat de quelques tonnes de foin permettra de « calmer » la pression sur le circuit de pâturage, afin de casser cette accélération contre-productive.

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