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Semis des maïs 2024 : gare aux corvidés!

Actualité30/04/2024Agriculture Biologique, Fourrages, CulturesBovins lait, Bovins viande

La prédation par les corvidés constitue la cause N°1 de l’abandon de la culture du maïs en Agriculture Biologique en Normandie. Néanmoins des solutions peuvent être mises en place.

 
 

Dans la famille des corvidés, le corbeau freux et la corneille sont les deux espèces les plus impactantes sur la culture du maïs, du semis jusqu’au stade 6/7 feuilles.

Le risque, difficilement prévisible et maîtrisable, concerne particulièrement les cultures conduites en bio, en raison du décalage de semis par rapport aux cultures conventionnelles qui génère une concentration de l’offre.

Comment lutter ? Combiner les actions pour gagner

Il n'existe malheureusement aujourd’hui aucune solution réellement satisfaisante à elle seule. La grande capacité d’adaptation de ces volatiles conduit fréquemment les actions isolées, du type canons ou effaroucheurs divers, à des échecs importants. Les additifs (piment de cayenne, tourteau de ricin…) ne garantissent pas non plus une protection efficace en cas de prédation forte.

Les leviers agronomiques : incontournables

La date de semis en bio est majoritairement décalée d’une quinzaine de jours afin de semer dans les meilleures conditions possibles (terre bien réchauffée) et favoriser une levée et une croissance rapide. Même si cette pratique ne doit pas être remise en cause, ce décalage est très certainement à l’origine d’une majorité des dégâts occasionnés, le nombre de parcelles étant plus faible.
L’itinéraire proposé ci-dessous a été observé dans plusieurs fermes bio bas normandes et a permis de minimiser massivement la prédation.

 

 

 

 1- Eviter les épandages d’effluents trop rapprochés de la date de semis. La présence de résidus de culture ou d’effluents mal enfouis constituent un attrait supplémentaire pour les corvidés.
Voici un témoignage de cette influence des épandages sur les dégâts : en 2023 cette parcelle de 4 ha avait reçu du fumier sur environ la moitié de la surface ; les dégâts de corbeaux étaient essentiellement localisés sur la partie avec fumier.

 

 

 

2- La profondeur de semis : enterrer les graines à 6 cm de profondeur, en évitant les sols trop motteux et trop secs. Attention aux semis trop profonds qui handicapent la levée en conditions difficiles. La limite des 6 cm de profondeur ne devrait pas être franchie.
3- Bien rappuyer la ligne de semis pour un meilleur ancrage et une surface plus "dure". Ne pas hésiter à régler les roues plombeuses du semoir afin d’obtenir un semis fortement rappuyé. L’objectif est d’empêcher les corbeaux de trouver la graine en arrachant le pied de maïs.
4- Opérer un passage de herse étrille juste après le semis afin d’effacer totalement les lignes de semis, créant ainsi une confusion / perte d’orientation des oiseaux.
5- Compléter par un roulage pour obtenir une parcelle la plus régulière possible. Ces deux actions ont également l’avantage de préparer les premiers passages de désherbage mécanique en offrant une surface plane propice à un premier tour de herse étrille efficace.

La lutte physique : complément indispensable en cas d’attaque

Au moment de la levée du maïs, la lutte physique doit intervenir le plus rapidement possible si on constate un début de prédation. L’objectif est d’empêcher l’installation des corvidés sur la parcelle. La stratégie la plus efficace est la suivante :
  1. Installation d’une petite tente de camouflage dans la parcelleSi des corvidés sont observés, se positionner dès le lever du jour dans la tente et attendre l’arrivée des prédateurs
  2. Opérer des tirs d’effarouchement en générant un effet de surprise.
  3. Cette opération, répétée une ou deux fois, suffit la plupart du temps à faire fuir les prédateurs.
Ce protocole, certes chronophage, donne d’excellents résultats. Certains éleveurs parviennent à déléguer cette tâche à des équipes de chasseurs.
Pour rappel : « l’arrêté du 2 août 2012 précise que « le corbeau freux (Corvus frugilegus) et la corneille noire (Corvus corone corone) peuvent être détruits à tir entre la date de clôture générale de la chasse et le 31 mars au plus tard. La période de destruction à tir peut être prolongée jusqu’au 10 juin lorsque l’un au moins des intérêts mentionnés à l’article R. 427-6 du code de l’environnement est menacé entre le 31 mars et le 10 juin et jusqu’au 31 juillet pour prévenir des dommages importants aux activités agricoles, sur autorisation individuelle délivrée par le préfet et dès lors qu’il n’existe aucune autre solution satisfaisante. » (Source : Fiche capitalisation 2022 – BeN – Simon Godard).
 

Alternative en cours d’expérimentation prometteuse : la micro parcelle d’esquive (source : Arvalis – Institut du végétal)

L’Institut a testé l’utilisation des plantes compagnes, soit pour détourner les corvidés du maïs à protéger, soit pour masquer le maïs. Les résultats acquis à ce jour sont très contrastés, avec moins d’attaques dans certaines situations et plus d’attaques dans d’autres, sans que les facteurs explicatifs soient identifiés. Par conséquent, les perspectives d’utiliser des plantes de service pour améliorer la protection contre les corvidés semblent à ce jour assez limitées.
Une autre voie actuellement en évaluation consiste à attirer les corvidés dans une zone sacrifiée pour les détourner de la parcelle cultivée. Cette zone, d’environ 500 m², est positionnée en bordure intérieure ou extérieure de la parcelle à protéger. Des grains de maïs y sont semés, à forte dose, à la volée puis enfouis très superficiellement de telle sorte d’avoir des grains visibles en surface et des grains pouvant germer. Cette zone attractive doit être mise en place quelques jours avant le semis de la culture. Il peut être nécessaire de la renouveler tant que des corvidés sont présents dans la zone et que la culture à protéger est au stade sensible (soit du semis jusqu’au stade 6-8 feuilles).
Cette stratégie a été évaluée dans un réseau de 20 parcelles en 2022 et 2023. Les sites d’expérimentations ont peu subi d’attaques, ce qui ne permet pas encore de conclure sur l’intérêt de la technique. Dans quelques situations, des attaques de corvidés ont été importantes dans la parcelle adjacente. Cela correspond en général à une mise en œuvre non adéquate de la zone attractive (faible quantité de grain déposé au sol en même temps que le semis, et sans aucun renouvèlement des apports). En revanche, pour les parcelles où la zone attractive a été mise en œuvre avec rigueur, pas ou peu de problèmes ont été constatés. Cette stratégie basée sur le détournement des corvidés mérite d’être explorée dans un plus grand nombre de parcelles.
 

 

Pascal BISSON

Consultant Nutrition en Systèmes bio et herbager 

pascal.bisson@littoral-normand.fr

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