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Phosphore : est-on déficitaire en système polyculture élevage bio ?

Actualité12/09/2022Agriculture Biologique, FourragesBovins lait, Bovins viande

Un thème de la conférence proposée à Commes le 29 et 30 juin dernier au salon Tech & Bio consacré à l’élevage laitier en Agriculture Biologique. Voici les grandes lignes issues de la présentation.

L’élevage est un élément capital dans la dynamique du cycle bio-géochimique du phosphore à cause des flux qu’il génère à son amont (fourrages et autres aliments) et à son aval (produits et effluents). Depuis quelques années, une sonnette d’alarme a été tirée par Arvalis sur les teneurs de phosphore du sol dans les parcelles converties depuis longtemps à l’Agriculture Biologique. Si cette inquiétude était déjà ressentie parmi les nombreux polyculteurs bio, elle a été reçue avec étonnement par les éleveurs, convaincus jusque-là de la virtuosité de leur système circulaire d’échange entre les exportations du sol par les cultures fourragères et les restitutions via les apports des effluents d’élevage.

Dans leur conférence au salon Tech et Bio Aurélien DUPONT (CRAB) et Quentin GIRARD (Arvalis) ont expliqué que dans les systèmes conventionnels l’achat d’aliments et d’engrais phosphatés constituent les principales sources des apports de phosphore au sol. Même compte tenu des exportations via les produits animaux et la vente des cultures, le solde est souvent positif avec par exemple en Bretagne, 19 kg de phosphore/ha/an accumulés dans les sols à l’échelle régionale. En Agriculture Biologique, et d’autant plus dans les systèmes autonomes en fourrages, la baisse des exportations liée aux rendements plus faibles ne suffit pas à compenser l’absence d’apports de phosphore via l’achat des fourrages et des engrais.

 

Les résultats de l’essai système biologique de la ferme expérimentale des Bordes (36)

\s A cette analyse purement mathématique s’ajoute le constat fréquent d’une baisse des rendements des prairies dans les fermes en bio depuis longtemps. La ferme expérimentale des Bordes a été donc utilisée pour étudier le phénomène et essayer d’en comprendre les origines.

Les analyses de sol montrent une forte baisse des teneurs en P2O5 entre la conversion et 2016, et des valeurs qui restent stables ensuite jusqu’à 2021, autour des seuils de renforcement. Les données issues des analyses de la ferme, avec les moyennes départementales et la synthèse Comifer, convergent pour dire que pour maintenir le niveau de P assimilable dans le sol il faudrait un bilan (apports – exportations) positif d’environ 25 unités/ha/an.

L’évolution des rendements est aussi à la baisse, ainsi que la valeur de MAT des fourrages récoltés. L’objectif de l’autonomie fourragère (110 T de MS/an récoltées) a été atteint 9 années sur 17 entre 1999 et 2015, mais seulement 1 fois sur les 4 dernières années du suivi (2011-2015).

Les tests en pot (Figure 1) avec du sol prélevé sur deux parcelles de prairie montrent clairement que dans cette situation spécifique, c’est le P l’élément qui limite le plus le rendement.

Le projet PhosphoBio

Ces résultats sont limités à une ferme spécifique et ne donnent pas toutes les réponses à toutes les questions. C’est pour cette raison qu’on projet CASDAR a vu le jour en octobre 2020 avec 3 actions principales :

  1. Faire l’état des lieux de la fertilité P des sols en AB.
  2. Tester et adapter les outils de diagnostic de carence en P et leurs références au contexte de l’AB.
  3. Prévoir l’impact des pratiques sur le statut phosphate des sols.

L’étude est menée sur 200 parcelles sélectionnées pour 158 agriculteurs sur 4 territoires (dont le Bassin Parisien avec des parcelles dans l’Eure et le Grand Ouest et des parcelles aussi dans la Manche et l’Orne) offrant des modes de productions et contextes pédoclimatiques contrastés, avec une campagne d’analyse de terre et des enquêtes sur les pratiques culturales (Figure 2).

En Normandie les teneurs en P sont pour le moment entre teneur de renforcement et teneur d’impasse pour les cultures les moins exigeantes (blé) et inférieures aux teneurs de renforcement pour les exigeantes (maïs et prairies).

Contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, aucune différence a été mise en évidence entre systèmes avec ou sans élevage. Les teneurs en P2O5 Olsen tournent autour de 50 kg/ha, une valeur plutôt rassurante.

On attend avec impatience la suite des résultats de ce programme.

 

 
Les fermes en polyculture élevage n’échappent pas aux problématiques liées au maintien de la fertilité du sol. Lorsque nous constatons une baisse des rendements sur la durée, il est important de réaliser des analyses de sol (ou d’herbe dans le cas des prairies). Il faut ensuite comparer les résultats de ces analyses avec les résultats des anciennes et vérifier ainsi si effectivement les deux phénomènes sont liés.
Les effluents d’élevage sont une source majeure de P et K facilement disponibles pour les prairies, très exigeantes pour ces éléments. Il est donc indispensable de faire des apports même sur les parcelles de prairie permanente, surtout si fauchées.

 

 

Maddalena MORETTI

Conseillère Référente Agriculture Biologique

maddalena.moretti@littoral-normand.fr  

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