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Le « bale grazing » chez un éleveur bio en Normandie

Témoignage26/01/2022Agriculture Biologique, Prairies, FourragesBovins lait, Bovins viande

Le bale grazing est une technique venue d’Amérique qui consiste à complémenter l’herbe pâturée en période hivernale avec du foin ou de l’enrubannage sans les contraintes des râteliers. Il s’agit de prédisposer des boules de foin ou enrubanné l’été ou de les dérouler au dernier moment sur des parcelles destinées à être pâturées au cours de l’hiver.

Cette pratique a de nombreux attraits : 

  • Prolonger au maximum le pâturage,
  • Valoriser la pousse d’herbe automnale,
  • Régénérer des prairies via l’apport de matière organique et de re-semis naturel par le fourrage.

 

Romain, éleveur bio sur une zone séchante du Val d’Orne, s’est lancé cet hiver et conduit son lot de 18 génisses pleines et vaches taries en bale grazing.

 

Romain, qu’est-ce qui t’a amené à tester le bale grazing ?

J’ai découvert la technique sur les réseaux sociaux. Mes animaux étaient déjà rentrés en bâtiment, avec du foin comme fourrage unique. Mon bâtiment n’est pas optimal et je sentais que mes génisses évoluaient dans le mauvais sens. Je dispose sur la ferme d’un bloc de 12 ha de prairies très saines déjà découpé en paddocks de 0,8 ha, avec de l’herbe résiduelle sur pied. Je me suis donc lancé et j’ai ressorti mon lot d’animaux fin décembre alors que la météo était super calme et douce.

Comment procèdes-tu concrètement ?

Pour dérouler la boule de foin je glisse une barre dans le cœur du round, qui dépasse de chaque côté, puis je fixe une sangle à chaque extrémité. Il me suffit d’accrocher les sangles à un petit tracteur pour tirer sur la boule et la dérouler sur les paddocks à faire pâturer. Je découpe mes paddocks en 3 sous-paddocks et je laisse le lot une journée dans 27 ares, soit 1,5 ares par animal et par jour. Ce bloc va me permettre de maintenir les animaux en bale grazing environ 45 jours, ce qui m’emmène jusqu’à mi-février. On fera le point et si je suis satisfait, j’irai sur d’autres parcelles portantes.

Comment t’es-tu construit ces repères ?

J’y vais un peu à tâtons. Mon objectif est de débarrasser la parcelle de toute l’herbe en 24 heures, pour ne pas abimer ma prairie. Et le foin doit lui aussi être consommé au maximum. Le dosage de la quantité de foin à mettre à disposition n’est pas évident.

Quel est le comportement des animaux ?

Dès qu’ils arrivent dans un nouveau paddock le matin, ils commencent par pâturer et faire un bon repas. Ils ne touchent au foin que l’après-midi.

Tu ne perds pas trop de foin ?

Comme je déroule une boule pour plusieurs jours, sur plusieurs paddocks, le foin est moins bien consommé quand il a trop pris l’eau. Mais, les pertes ne sont pas si énormes (cf. photo). De toute façon, même au râtelier ou à l’auge, le foin n’est jamais consommé à 100 %. Et ça fait partie de la technique : le foin non consommé retourne au sol et est digéré durant l’hiver. Cette prairie temporaire ne fonctionne pas super bien et elle s’est dégarnie. J’espère aussi obtenir un réensemencement de graminées par le foin.

Que constates-tu depuis que tu as débuté ?

Je suis agréablement surpris. Mes animaux sont plus frais, je vois bien que l’herbe complémente très bien le foin que j’apporte. Mes prairies ne souffrent pas du tout. On a pris 54 mm de pluie la 1ère semaine de janvier, j’avais un peu peur. Mais le fait de laisser les animaux une journée seulement sur un carré permet de ne pas dégrader la structure de la prairie. On voit aussi que le foin resté au sol pourrit très vite. Je pense qu’au printemps, on ne le verra plus.

Dirais-tu que tu as adopté la technique, et quels avantages en tires-tu ?

Mon objectif est triple :

  • Réduire mon astreinte : Je gagne 30 à 45 mn par jour.
  • Améliorer la ration de mes animaux : la part d’herbe pâturée apporte protéines, sucres et vitamines. Mes animaux sont plus frais.
  • Améliorer ma prairie sans la dégrader : les paddocks sont débarrassés d’une biomasse inutile pour le printemps suivant, le foin non consommé va ramener de la matière organique et un sur semis naturel.

Je suis impatient de voir comment cette prairie va fonctionner sur la prochaine saison de pâturage. C’est aussi cet aspect qui va peser dans la balance.

 

Pascal BISSON

Consultant Nutrition en Systèmes bio et herbager

pascal.bisson@littoral-normand.fr  

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